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R&D : Investir dans le ciblage

Publié le : 06/06/2017

Par : Magalie C

Catégorie thématique : Design to Cost, Innovation

Plusieurs études l’ont démontré, de nombreux exemples nous le rappellent régulièrement : il n’existe pas de corrélation...

Plusieurs études l’ont démontré, de nombreux exemples nous le rappellent régulièrement : il n’existe pas de corrélation entre le montant d’investissement en R&D et le succès des innovations d’une entreprise. Apple qui s’est hissé à la place de 1ère capitalisation boursière mondiale en 2011 grâce au succès de ses produits est entré en 2015 seulement dans le Top 20 des entreprises dépensant le plus en R&D, à la 18ème place, très loin derrière Samsung, Microsoft ou General Motors. Apple dépense en effet 3% de son Chiffre d’Affaire en R&D, ce qui est extrêmement faible pour ce type d’activité ; l’entreprise sait manifestement rentabiliser chaque dollar investi…

La question pour les dirigeants serait-elle donc de mieux cibler les projets de développement des nouveaux produits plutôt que les multiplier ?

 

Un Marketing Produit fréquemment sous dimensionné dans les entreprises industrielles

Les statistiques relatives aux investissements des entreprises en R&D, en valeur absolue ou en pourcentage du Chiffre d’Affaires, existent et permettent des comparaisons, intra ou inter sectorielles; même si des questions subsistent sur l’assiette exacte de ces montants, qui doivent conduire à une certaine prudence dans l’interprétation des résultats.

Il n’existe pas en revanche de données de synthèse sur les dépenses de Marketing Produit, autrement dit sur l’investissement consacré à la définition du besoin que devra satisfaire un produit à développer par la R&D. Pour des raisons de choix d’organisation ou simplement de vocabulaire, ce poste de dépenses est en effet généralement intégré dans le budget « Marketing », au sens large, majoritairement constitué de dépenses promotionnelles.

Néanmoins, les observations que nous avons menées auprès de nos clients industriels nous indiquent qu’elles sont dans la réalité souvent bien inférieures à 1% des investissements R&D et donc en deçà de 1/1 000ème, voire 1/10 000ème du Chiffre d’Affaire! Compte tenu des enjeux et des risques, un investissement de 10% du montant d’un projet dans la définition du besoin et la validation de son Cahier des Charges ne serait pourtant pas choquant.

Plusieurs explications possibles à cette situation :

  • Une culture « Marketing » encore faiblement développée dans des entreprises industrielles dominées par des ingénieurs
  • La concurrence du court terme qui incite les Chefs de produits à se consacrer au traitement de problèmes sur les produits commercialisés au détriment des nouveaux développements
  • La pression sur les délais qui peut conduire à minimiser la nécessaire réflexion en amont d’un projet

Le faible dimensionnement des ressources consacrée à la définition des produits peut être aussi lié au sentiment que cette activité échapperait en grande partie à la rationalité, pour relever de la vision de quelques « divas » ou dirigeants omnipotents. De fait, le souci de rationalisation des activités des entreprises « remonte » lentement de l’aval vers l’amont des processus d’Innovation / Développement / Production : le Taylorisme et le Fordisme puis le Lean Management  ont été déployés dans les usines tout au long du XXème siècle, l’optimisation des développements de nouveaux produits avec l’introduction du Lean Engineering date des années 90, quant à l’amont de ces développements- longtemps qualifié par les Anglo-Saxons de « Fuzzy Front End »-il  reste encore bien souvent en friche du point de vue organisationnel.

Les méthodes et outils permettant de structurer et de fiabiliser l’analyse des besoins et la définition d’un produit existent cependant.

 

Du Big Data à l’impression 3D : un impact majeur de la révolution numérique sur la définition des besoins clients

Dans cet univers de nouveaux outils liés à la révolution numérique apparaissent aussi :
Le Big Data offre des opportunités inaccessibles jusqu’à présent pour affiner le positionnement des produits et services via une segmentation plus fine des prospects. Ces technologies permettent en effet de passer du Marketing de masse au Marketing personnalisé avec un ciblage plus performant, grâce à une analyse comportementale du consommateur sur les réseaux sociaux par exemple.
Dans le secteur de la publicité en ligne, des entreprises ont bâti leur modèle économique grâce au Big Data, comme Critéo. Cette société, spécialiste du marketing personnalisé, est capable d’adapter en temps réel la publicité à afficher sur un site internet selon la nature dudit site et les particularités de l’internaute, augmentant ainsi la probabilité du taux de clic sur la bannière publicitaire. Sûr de son modèle, Critéo assume le taux de non-conversion en rétribuant l’éditeur lors de l’affichage de la publicité, et en étant rétribué par l’annonceur lors du clic sur la publicité.

L’impression 3D permet, via des prototypages rapides au sein de « Fablabs », d’accélérer considérablement les tests de nouveaux concepts à moindre frais.
Breville, une entreprise fabriquant des cafetières, utilise l’impression 3D pour réaliser de nombreuses variantes de modèles pour faire des tests et des évaluations auprès d’un panel de consommateurs. L’impression 3D leur permet de gagner un temps précieux dans la recherche de la solution optimale, que ce soit au niveau de l’apparence ou des fonctionnalités.
Des grands comptes commencent d’ailleurs à intégrer ce concept en interne, appelés« labs d’entreprise » comme le Creative People Lab (Renault), le ProtoSpace (Airbus) et le i-Lab (Air Liquide).

 

Des paradigmes et organisations qui évoluent

Cette question de l’analyse des besoins des clients fait pourtant l’objet de nombreuses réflexions et évolutions et les paradigmes guidant l’analyse du besoin client évoluent.

L’«  Etude marché » traditionnelle a vécu et la vision de Steve Jobs selon laquelle « il ne faut surtout pas demander au client ce qu’il veut car il ne le sait pas lui-même » fait son chemin. Dans les approches de segmentations les catégories socio-professionnelles cèdent la place aux usages;

De nouveaux schémas d’organisation apparaissent aussi. La logique de « Techno Push/Market Pull » – avec une R&D travaillant sur le long terme et un Marketing produit calé sur des horizons beaucoup plus courts- a montré ses limites. Aujourd’hui Marketing et R&D travaillent de concert à l’orientation des projets exploratoires comme aux développement de produits.

Certains groupes, comme Valeo, vont jusqu’à placer Marketing Produit et R&D sous une même responsabilité.

De plus en plus d’industriels considèrent la localisation de leurs centres de développement à proximité des clients ou marchés ciblés comme une condition de succès essentielle

 

Des « basiques » à revisiter mais surtout à appliquer

Parfois considérées comme « passées de mode »,  des telles que l’Analyse Fonctionnelle et l’Analyse de la Valeur, dont l’apparition remonte à plus d’un demi-siècle, restent largement sous-exploitées ; alors même que l’analyse d’échecs de nouveaux produits montrent bien les bénéfices qu’elles auraient pu apporter.

Les notions de « juste nécessaire » et de « valeur pour le client » qui constituent le cœur de ces outils ont d’ailleurs été enrichies par des travaux relativement récents tels que « Blue Ocean Strategy » de Chan Kim et Renée Mauborgne ou « Jugaad Innovation » de Jaideep Prabhu et Navi Radjou.

Ces outils, ainsi remis « au goût du jour », peuvent fournir aujourd’hui encore l’ossature du processus dialectique entre Analyse des Besoins et Savoir Faire techniques qui aboutira au Cahier des Charges technique du produit.

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