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Lean Engineering : Quelques fondamentaux pour améliorer votre compétitivité

Publié le : 19/04/2017

Par : Magalie C

Catégorie thématique : Design to Cost, Lean Engineering

Le cabinet Effidyn donne son point de vue sur le Lean Engineering...

 

En 4 points !

 

  1. Contexte : Pendant de nombreuses années les industriels ont donné la priorité à la réduction des coûts de production au travers de démarches d’abord Taylorienne puis inspirées du Lean Manufacturing développé par Toyota et l’industrie automobile japonaise en général. Tous, ou à peu près, s’y sont mis au point qu’aujourd’hui ce domaine n’est plus un facteur véritablement différenciant. Plus récemment, l’effort s’est étendu au processus de développement dans l’objectif de réduire aussi bien les coûts que les délais. Bien plus que les gains directs obtenus dans cette fonction, c’est l’effet de levier, considérable qui est visé.

 

  1. La vision d’Effidyn du Lean Engineering : Un ensemble de techniques et de méthodes ayant fait ses preuves pour concevoir, opérer et améliorer les processus de développement en donnant la priorité :

 

  • Au management sur les outils informatiques,
  • Aux délais sur la productivité des individus,
  • A l’élimination des tâches sans valeur ajoutée sur la performance instantanée.

 

  1. Dans quel but : Le Lean Engineering permet de réconcilier l’innovation nécessaire pour conserver la compétitivité des produits et le besoin de multiplier les lancements produits dont l’entreprise a besoin pour animer son marché.

 

  1. Pour quel(s) résultat(s) : Le Lean Engineering est focalisé sur les processus de développement, en ce sens il est complémentaire du Lean Manufacturing et en démultiplie les effets en intégrant dès la conception cette philosophie de production.

 

 

Pour aller plus loin…

 

 

Introduction

 

A l’origine perçue comme une approche d’amélioration de la production, particulièrement dans l’industrie automobile, le Lean Management s’est développé au sein de tous les secteurs industriels avant de s’étendre progressivement aux achats puis à l’Engineering et à l’ensemble des fonctions de l’entreprise.
Pour l’Engineering, le Lean Management est aujourd’hui reconnu par les équipes dirigeantes comme une approche porteuse de performances et de motivation des équipes, et ce d’autant que la valeur créée par cette fonction apparait de plus en plus critique dans nos économies mondialisées où la production devient une commodité.

Sans prétendre au définitif, ni à l’exposé dogmatique (peu importe pour nous de savoir si la politique de standardisation relève du Lean ou pas), nous nous proposons de recenser les clés qui garantissent la performance de cette démarche, où l’on trouvera en creux les raisons de certains échecs… Pour cela, nous nous réfèrerons à l’expérience des dirigeants que nous côtoyons. Le rôle de la Direction Générale est souvent mis en avant, tant cette démarche est avant tout managériale, et non pas réservée aux experts ou aux qualiticiens.

Nous nous intéresserons aussi en conclusion aux challenges et opportunités qu’offrent le déploiement de cette approche dans les secteurs de l’Ingénierie et du BTP où le management de grands projets est au cœur de l’activité économique.

 

 

Une démarche en pleine croissance

 

Issu, à l’instar du Lean Manufacturing, de l’industrie automobile (et de Toyota en particulier), le Lean Engineering se diffuse comme lui dans de nombreux secteurs. Parallèlement, il s’affranchit des caractéristiques culturelles si particulières du milieu qui l’a fait naître. Il se propage inexorablement sous la pression de la recherche de compétitivité et donne lieu au développement de multiples variantes et extensions. La plus fréquente est sans aucun doute le Lean-6 sigma, qui, doté d’un outillage conséquent, le rapproche de nos logiques occidentales. Aujourd’hui, le Lean Engineering fait partie intégrante de l’arsenal pour la compétitivité des Directions Générales et des Directions de Programmes dans la plupart des secteurs manufacturiers. Toutefois le côté contre-intuitif de certains de ses principes fondamentaux, combiné à leur aspect immatériel ont conduit nombre d’initiatives à des résultats décevants, voire à des échecs.

A l’heure où cette approche se déploie de plus en plus systématiquement, il nous apparaît important de s’interroger sur ses facteurs clés de succès.

En particulier comment combiner l’ambition de transformation en profondeur des pratiques de management à tous les niveaux de la fonction et la nécessité d’obtenir des résultats visibles et communicables à court terme ?

 

 

De quels résultats parle-t-on ?

 

Les résultats du Lean Engineering doivent être considérés sur deux plans : les gains directs et les gains induits.

En matière de gains directs, on constate que les champions du lean engineering réduisent de plus de 30% aussi bien les délais de mise sur le marché et que la dérive des coûts par rapport à l’objectif.

 

Ces gains doivent être complétés par les gains induits sur l’ensemble du périmètre de l’entreprise :

  • Accroissement de la part de marché grâce d’une part à l’augmentation du nombre de lancements « produit » à budget de développement constant et d’autre part à une meilleure attractivité des produits dont le contenu technologique ou marketing est plus récent,
  • Baisse des coûts de production grâce à une prise en compte dès l’origine des principes du Lean Manufacturing et des standards de production,
  • Baisse des coûts indirects par une réduction de la complexité des gammes produits.

 

Avec cette perspective, on comprend que tous les acteurs de l’industrie se sentent concernés par cette approche, que les dépenses de R&D soient de 2% ou de 40% du chiffre d’affaires.

 

Ces résultats s’expliquent par un angle d’attaque original très différent des approches classiques basées sur toujours plus de productivité et le développement d’outils analytiques toujours plus sophistiqués. Comme le Lean Manufacturing, le Lean Engineering met la productivité directe au second plan pour se focaliser sur la maîtrise des délais. Cette maîtrise des délais qui implique d’une part un engagement individuel à tous les niveaux mais aussi un travail de coopération de toutes les fonctions clés tout au long du processus de développement.

 

 

Une démarche qui place l’homme au cœur de son dispositif

 

Si le Lean Engineering dispose d’outils et de techniques efficaces, son succès dépend de la capacité des équipes à s’approprier les principes sur lesquels il est fondé. Et parmi ceux-ci, le sens de l’engagement est probablement la clé de voute du dispositif, engagement sur la conformité et engagement sur les délais – les équipes doivent être à l’heure, au sens « complet conforme », pour les différentes revues et les managers doivent prendre les décisions à temps. Cette appropriation ne peut évidemment pas se réaliser en un jour : les habitudes de travail sont à transformer en profondeur, à tous les niveaux.

Dans ce contexte, les dirigeants doivent s’impliquer dans la conception et l’accompagnement du changement. Les outils et pratiques seront déployés en gardant à l’esprit qu’ils ne sont pas un but mais des moyens pour faire comprendre et sécuriser ces principes de management. Le rôle du dirigeant est fondamental pour garantir cet alignement permanent entre les moyens et le but qui reste, in fine, de faire évoluer en profondeur les pratiques et les valeurs des équipes.

 

 

Une démarche qui doit être adaptée au contexte de son application

 

Devant le succès du lean management dans la production, les tentatives de dupliquer l’approche dans l’ingénierie ont été nombreuses et trop souvent infructueuses. Les différences sont telles entre les deux univers que si les grands principes restent les mêmes, les pratiques concrètes sont très différentes. Pour la même raison, le Lean Engineering montrera des visages différents selon que l’on se trouve dans une entreprise qui lance des dizaines de nouveaux produits tous les ans ou dans une entreprise qui en lance quelques-uns dont la durée de vie dépasse 25 ans. D’où l’importance de comprendre en profondeur tant ces fameux principes que les fondamentaux du métier de l’entreprise. Il n’existe pas de solution « prête à l’emploi » pour déployer efficacement le Lean Engineering dans son entreprise. On peut toutefois faire ressortir quelques facteurs clés de succès que partagent les dirigeants que nous avons interrogés.

 

 

Les quatre composantes du Lean Engineering

 

La partie la plus visible du Lean Engineering se manifeste au travers des outils déployés pour gérer les opérations et faciliter le management du Progrès Continu. Le Management Visuel, les Obeya Rooms, les formats A3 montrent le plus concrètement l’évolution des pratiques.

Comme pour la production industrielle, la deuxième composante est constituée du Management par les Délais. En effet, il a montré une efficacité bien supérieure à celle du management de l’activité des ressources.

Le Management des risques et des opportunités constitue le troisième volet, le plus spécifique à l’ingénierie car il touche au cœur du savoir-faire du Chef de Projet

Enfin, le quatrième composante, la Politique de Standardisation, structure le portefeuille de projets pour exploiter les synergies possibles entre les projets.

 

 

Le progrès continu

 

Pratiquement dans ce domaine, le Lean Engineering met à disposition des équipes des outils robustes dans deux domaines : des outils de management opérationnel ainsi que des outils de diagnostic.

  • Les outils de management opérationnel: ce sont les plus connus, Obeyas rooms, Management visuel, Formats A3, etc… Mais à l’instar des outils informatiques de gestion de projet, le fossé est grand du déploiement formel de ces outils à l’appropriation de l’esprit dans lequel ils ont été créés. Les utilisateurs expérimentés des formats A3 ou du management visuel savent qu’entre la première tentative et un fonctionnement satisfaisant et stabilisé, il y a eu nombre d’itérations d’amélioration. Il aura fallu, particulièrement au début, lutter contre ceux qui prenaient cette approche comme une nouvelle mode à laquelle la direction avait succombée. La présence régulière du Dirigeant, sur le terrain et dans la durée, est une nécessité pour cette démarche qui, si elle n’est pas complexe, demande du doigté et de la ténacité.
  • Les outils de diagnostic : Pour sensibiliser et mobiliser les équipes sur la nécessité de progresser, le Value Stream Mapping adapté à l’Ingénierie (PDVSM), bien maîtrisé, est redoutablement efficace. Centré sur l’identification des gaspillages, il permet d’aligner les équipes sur les priorités d’amélioration, non pas de leur « productivité », mais de leur « Valeur Ajoutée », ce qui a l’avantage d’être toujours légitime. Pour compléter les outils traditionnels du progrès continu, le Lean Engineering propose de revoir a posteriori, systématiquement et collectivement le déroulé d’un projet pour identifier ce qui a bien marché et ce qui aurait pu mieux se passer pour en déduire des actions concrètes d’amélioration. La tonalité que le dirigeant donnera à cette approche et l’exploitation qu’il saura en faire sont déterminantes pour la généralisation de cette pratique.

 

Pour un dirigeant, la valeur du déploiement des pratiques du Progrès Continu proposés par le Lean Engineering doit être considérée sous deux angles :

  • D’une part, bien évidemment, sous celui de la contribution de l’ensemble des équipes à l’amélioration de la performance. Il faudra toutefois garder à l’esprit que, lorsque les tâches ne sont pas répétitives, cet aspect du Lean Engineering ne permet pas, en général, de montrer à lui seul des avancées claires et mesurables sur la performance globale des équipes. De là, un risque de désillusion des dirigeants lorsque leur compréhension du Lean Engineering est essentiellement centrée sur le déploiement de ces pratiques.
  • D’autre part, la maitrise de ces pratiques est indispensable pour assurer les succès de projets plus structurels qui, eux, permettront des sauts de performance importants et l’atteinte d’une performance de classe mondiale. En effet, sans la capacité de traiter rapidement et de manière autonome les problèmes pratiques de fonctionnement, trop de projets échouent ou s’enlisent par manque de résultats à court terme.

 

 

Le management par les délais

 

Le management par les délais permet un véritable saut de performance qu’on n’obtiendra pas par le progrès continu. En effet la déperdition d’énergie liée à la désynchronisation des travaux est la source principale de perte de productivité des équipes d’ingénierie. L’efficacité instantanée reste bien sûr un point de vigilance important mais second par rapport au respect des engagements de délai.

Pour y parvenir, le Lean Engineering propose trois principes majeurs :

  • Révolutionner le sens de l’engagement sur les délais. La synchronisation des travaux est à la base de l’efficacité des équipes d’ingénierie. Le respect des engagements de délais doit devenir la norme, et l’inverse une exception considérée comme une défaillance grave. Malheureusement, cela ne se décrète pas. C’est une question culturelle qui évolue sur un temps long. En revanche, il est possible de favoriser cette évolution en travaillant dans deux directions.
    D’une part au moment où les engagements sont pris. Cette phase est souvent traitée trop légèrement. Il faut prendre le temps d’écouter et d’échanger, à la faveur d’un processus clair et connu, entre les niveaux du projet et entre les métiers pour que les prises de risques soient sincèrement partagées et que les responsables se sentent tenus par ces engagements. On ne dira jamais assez les dégâts collatéraux de la fixation irréaliste d’objectifs au motif de « mettre la tension » sur les équipes. La responsabilisation sur un engagement perçu comme atteignable et accepté génère des bénéfices bien plus importants. D’autre part, dans le management opérationnel des délais. L’expérience montre que des plannings intégrés et détaillés avec des milliers de lignes sont en pratique inopérants. La planification à chaque niveau doit être limitée au strict nécessaire pour la coordination du niveau inférieur, laissant la plus grande flexibilité possible à chaque niveau. En contrepartie, les jalons sont intangibles dans leur positionnement et détaillés dans leur contenu. Au sujet de ces jalons, le dirigeant doit veiller à la maîtrise du processus de préparation et de passage. Ce processus est efficace lorsque le jalon est une chambre d’enregistrement qui entérine des décisions prises au préalable en pré-positionnant tous les acteurs concernés.
  • Optimiser la flexibilité. Tenir les délais dans une activité soumise aux aléas implique de trouver de la flexibilité sur les moyens. L’attention sera alors portée sur deux types de moyens très différents. D’une part les compétences critiques qui doivent être suivies d’aussi près que le chemin critique de manière à pouvoir faire rapidement levier sur elles en cas de besoin avec des ressources plus courantes. D’autre part, les moyens communs – bancs d’essais, outillage, approvisionnement, usinage. La gestion de ces moyens, souvent considérée comme un mal nécessaire, représente dans la réalité un enjeu important au regard des délais. La mise en œuvre dans ce domaine des principes du lean manufacturing permet d’y introduire une grande flexibilité tout en améliorant leur productivité.
  • Mettre la technologie au service du management: chercher dans un nouveau Système d’Information, la « Silver bullet » qui réglera le problème de la maitrise des délais est une tentation classique. Mais pour reprendre la citation de Bill Gates : « La première règle pour l’utilisation d’une technologie au service d’une activité est que l’automatisation appliquée à une opération efficace en démultipliera l’efficacité. La seconde est que l’automatisation appliquée à une activité inefficace en démultipliera l’inefficacité ». Manager par les délais est avant tout un savoir-faire managérial. Un nouveau système d’information sera le parachèvement d’une transformation, qui la sécurise dans le temps. On ne peut pas en attendre plus.

 

Les principes du management par les délais sont contre-intuitifs. Ils remettent en cause bien des réflexes ancrés et se heurtent à la culture historique des responsables. Cette transformation exige d’entreprendre un effort de changement à la hauteur des enjeux. La nouvelle façon de manager se heurtera à des difficultés opérationnelles sur le terrain. Le rôle du dirigeant doit être, lorsque la vision et les principes sont arrêtés, de s’assurer que ces difficultés sont identifiées dès qu’elles surgissent et traitées en boucles courtes.

La maîtrise des délais permet des gains de productivité très importants. Elle n’affranchit pas de s’en préoccuper. Le dirigeant devra trouver dans la flexibilisation des ressources (externalisation, polyvalence, heures supplémentaires…) le moyen d’accompagner l’évolution des besoins en s’interdisant de surcharger les ressources. Surcharge dont la première conséquence sera le non-respect des délais.

 

 

Le management des risques

 

Contrairement au processus de production, par définition reproductibles et dont on vise la maîtrise totale (approches SPC, 6sigma…), les processus d’ingénierie comportent une part irréductible d’aléas. Ces aléas sont traditionnellement traités, dans les processus de développement produits par des « boucles » « essais-erreurs » Ces itérations réduisent progressivement l’incertitude mais sont onéreuses en coût et en délai.  Parallèlement, elles maintiennent les équipes dans un environnement mouvant défavorable à l’efficacité collective. Par conséquent, la maîtrise des risques/opportunités est au cœur de la performance des équipes de développement produit. Notre expérience, et celle des dirigeants avec qui nous avons échangé, nous a conduit à retenir quatre leviers essentiels :

  • Favoriser les échanges entre les métiers/lots. La mise en œuvre de jalons/revues permet aux équipes de se caler sur des hypothèses de développement claires. Mais pour que les équipes restent en ligne de manière continue, il est nécessaire de mettre en place une communication intermétiers régulière et ritualisée. Les plateformes projet sont une réponse possible. Elle doit être complétée par la ritualisation de manière à assurer l’implication de l’ensemble des fonctions. Le principe originel des obeyas est d’ailleurs focalisé sur ce point.
  • Mutualiser la gestion. Les risques ne vont pas tous se concrétiser, heureusement. La mutualisation permet d’éviter un empilement « déraisonnable » des marges de sécurité et d’allouer les ressources là où elles ont le plus de chance de délivrer du résultat. Cette mutualisation n’est possible que dans un contexte de confiance et de transparence qui n’est pas toujours acquis. La qualité de la phase de négociation nécessaire à l’appropriation des objectifs sera clé pour que les équipes limitent au maximum les provisions cachées pour risque.
  • Structurer le planning sous contrainte d’une décroissance rapide du profil de risque. Cette approche, présente un double avantage : d’une part elle permet de réduire les coûts d’un éventuel échec en le détectant plus tôt (fail fast), d’autre part elle facilite la prise de décision de l’arrêt dans la mesure où les pertes sont plus faciles à assumer.
  • Maîtriser les innovations par le Set based design. Par essence les innovations sont porteuses de risques. L’expérience montre qu’il est plus efficace de mener en parallèle le développement de plusieurs solutions lorsque les risques sont élevés pour choisir la solution la plus valorisante – lorsque nécessaire – que de prendre le risque de tout miser sur la solution la plus séduisante au risque de devoir trouver au dernier moment des solutions de back-up peu performantes. Cette décision est souvent difficile à prendre car on met en balance une dépense certaine qui n’est pas les habitudes avec un risque de dépense ou de perte de valeur.
  • Adopter les principes du développement agile. Les méthodes de simulations numériques et de prototypage rapide permettent dans beaucoup de secteurs d’adapter à leur contexte les principes des méthodes agiles de plus en plus utilisés dans l’industrie du logiciel et des systèmes d’information. Ces méthodes, basées sur des itérations à boucles courtes et sur la confrontation de prototypes « viables » avec le marché ou le client permettent d’éviter les effets tunnels des développements selon la courbe en V classique et de gérer les risques au plus près.

Parallèlement au déploiement de ces pratiques, le Dirigeant devra s’assurer que les projets sont dotés d’une référence robuste en matière de périmètre fonctionnel, de budget et de planning. En effet, le management des risques consiste à évaluer l’impact potentiel des événements par rapport à une référence. Sans référence, on ne peut pas arbitrer rationnellement.

 

 

La Politique de Standardisation/Modularité

 

Elle représente le dernier axe de transformation en profondeur du fonctionnement des équipes d’ingénierie. Son champs d’application est très vaste, depuis la standardisation des tâches au sein du processus de développement jusqu’aux politiques de développement produits. L’effet de levier de ces dernières est considérable. Leur objectif, dans le cadre d’un budget de développement forcément limité, est de définir un bon équilibre entre le besoin de lancement produits pour animer le marché et celui d’innover pour maintenir ou renforcer la position de ses produits. Elle traduit la stratégie « produit » de l’Entreprise – nombre de lancements produits, politique de plateforme/de produits génériques, investissement dans l’innovation – en portefeuille de projets de développement. Les enjeux sont considérables – baisse des coûts « non récurrents », productivité en fabrication, effets volume sur les achats, simplification de l’exploitation et de la maintenance simplification de la gestion des données techniques. Il s’agit là d’une extension considérable de l’ingénierie système qui doit sortir du cadre du projet pour considérer un flux de projets successifs et parallèles et en déduire une structuration optimale tant au plan de l’architecture du produit que de celle des processus de développement.

La mise en œuvre concrète de telles politiques doit bien sûr s’appuyer sur une vision cible et doit combiner 4 axes de transformation :

  • Transformer les modèles économiques: quelles sont les règles qui permettront de refléter la pertinence d’un investissement transverse à plusieurs développements produits pour permettre au management à tous les niveaux de prendre des décisions dans un cadre cohérent
  • Transformer les process: en distinguant les projets selon leur nature (exploratoire ; produits génériques/plateformes ; produits marché,…) et en développant des savoir-faire spécifiques liés aux différents types de projets (Design to Cost, Innovation, créativité pour le choix de nouveaux concepts, etc…).
  • Transformer le management: d’une part du point de vue du pilotage pour lequel il est nécessaire de mettre en place des indicateurs cohérents avec la politique, tels que le taux de ré-utilisation des composants ou des sous-ensembles ; d’autre part en termes de décisions et d’arbitrage projet dont l’impact doit être évalué au regard de l’ensemble des politiques de standardisation.
  • Transformer l’organisation : l’organisation doit refléter la logique de développement et en particulier la politique de plateforme ou de standardisation : la structure hiérarchique doit en être le reflet, la fonction de direction de projet s’adapte aux nouveaux process, les nouveaux objets définis par la politique produits doivent avoir les organisations qui les portent (organisations par modules plutôt que par métier…) leurs sponsors avec les leviers qui leurs permettront d’atteindre les objectifs attribués à chaque niveau, etc….

 

Comme le montre l’industrie automobile, la standardisation est un levier clé de la compétitivité de l’entreprise et c’est aussi un processus continu dont l’ambition est sans cesse croissante. En se lançant dans cette démarche le Dirigeant se heurte à deux difficultés majeures :

  • C’est un processus d’apprentissage long qui est vécu comme une perte d’autonomie des équipes projet et remet en cause, en apparence, profondément leurs rôles ;
  • Les concepts de standards, plateformes, produits génériques… sont très vagues et les multiples interprétations possibles sont autant de motifs de résistances, d’incompréhension et finalement d’échecs sur le terrain. Le dirigeant devra veiller à ce que son ambition soit partagée et les systèmes et les structures évoluent en cohérence.

 

 

Conclusion

 

La recherche de l’excellence est une histoire sans fin

 

L’industrie automobile s’est engagée dans le Lean Engineering depuis plus de 20 ans maintenant. Elle continue à faire des progrès significatifs dans ce domaine, en particulier dans le domaine de la standardisation et de la modularité qui permettent une plus grande diversité au moindre coût ainsi qu’une mise sur le marché plus rapide. On ne voit pas aujourd’hui de ralentissement dans les progrès réalisés par cette fonction grâce à cette approche.

Ce constat est très encourageant pour les autres secteurs industriels qui se sont, le plus souvent, engagés plus tard sur cette voie.

 

 

Développer efficacement : oui mais quoi ?

 

Parallèlement à ces progrès qui portent sur le « comment développer efficacement ? », les entreprises se penchent de plus en plus sur la définition des produits à développer (le quoi ?) et ce sur deux plans :

  • D’une part, l’augmentation de la valeur perçue du produit par le client. Pour y parvenir, les industries qui proposent des produits matériels se tournent vers des méthodes de type Design to Cost et les intègrent de manière de plus en plus systématique dans leurs processus standard de développement. Celles qui proposent des produits logiciels s’orientent vers le développement agile pour limiter les risques inhérents à la spécification fonctionnelle de ces produits.
  • D’autre part, la question de la génération et la sélection de nouveaux concepts commence à se poser de façon de plus en plus criante. Mais si dans ce domaine les méthodes sont nombreuses (C/K, TRIZ, ASIT,…), aucune ne se détache aujourd’hui tant la personnalité des managers et le savoir-faire de l’entreprise en matière de prise de risques sont déterminants. C’est en travaillant dans ces deux directions que les entreprises progressent. La multiplication des fab-lab est une réponse de plus en plus fréquente, mais pas la seule, à cette problématique.

 

 

Comme pour la production manufacturière, cette approche s’étend à d’autres secteurs

 

Si dans l’industrie, le Lean Engineering est aujourd’hui reconnu et déployé avec des maturités variables, il se propage progressivement dans tous les secteurs qui fonctionnent en mode projet en s’adaptant à leurs particularités.  C’est le cas en particulier des investissements industriels, des entreprises d’Ingénierie ainsi que des métiers du Bâtiments et des Travaux Publics. Dans ces secteurs, le fonctionnement en mode projet laisse penser que les pratiques de lean engineering s’appliqueront. Mais elles doivent s’adapter aux spécificités : répétitivité encore plus faible ; localisation éclatée des équipes ; flux permanent de données entre la conception et la production ; fonctionnement en JV fréquent ; peu de maîtrise du cahier des charges…

Ces spécificités expliquent que ces secteurs soient moins matures que l’industrie manufacturière. Mais, si les standards sont plus difficiles à développer, ils sont souvent porteurs de plus de gains. Introduire le lean management dans la conduite des chantiers et dans leur conception permet de construire un langage commun entre deux mondes qui ne parlent pas le même langage aujourd’hui. La route est peut-être plus longue mais les enjeux sont tels que la majorité des grands acteurs s’engagent de plus en plus dans cette direction.

 

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